Commémoration Samuel Paty

Commémoration Samuel Paty

Le 16 octobre 2021 marquera le premier anniversaire de l’assassinat de l’enseignant Samuel Paty.

Au Lycée Charles de Gaulle de Londres, comme dans les autres établissements français, ce vendredi fut l’occasion d’une commémoration recueillie pour rendre hommage au rôle des enseignantes et des enseignants, rappeler les principes de liberté d’enseignement et les valeurs humanistes qui sous-tendent l’éducation à la française.

Étaient présents pour ce moment solennel, Monsieur Guillaume Bazard, Consul Général, Monsieur Stéphane Foin, Conseiller Culturel Adjoint, Monsieur le Proviseur et les Proviseurs adjoints, ainsi que des représentants des personnels enseignants et non-enseignants, des parents et des élèves.

Dans son allocution, M. Devilard, soulignant que la vie de l’établissement continuait comme il se devait dans la cour en toile de fond de cette sobre cérémonie, a rappelé la sidération dans laquelle avait été plongée notre communauté comme le monde de l’éducation l’an dernier. Le Proviseur, le Conseiller Culturel Adjoint et les parents d’élèves ont tous évoqué les principes fondamentaux de notre république et de son enseignement, l’importance de la tolérance et du vivre-ensemble, ainsi qu’une invitation à la vigilance collective contre les idées radicales quelles qu’elles soient.

Avant que l’assistance n’observe une minute de silence et que deux élèves ne déposent une gerbe aux pieds de la photo du professeur, ces mêmes élèves de Seconde ont lu la lettre que Jean Jaurès adressait aux « Instituteurs et Institutrices » en 1888. Cette lettre, qui avait été lue dans les écoles de France l’an dernier, rappelle le rôle fondamental que les enseignantes et les enseignants jouent dans la formation des élèves comme citoyens.


« Vous tenez en vos mains l’intelligence et l’âme des enfants ; vous êtes responsables de la patrie. Les enfants qui vous sont confiés n’auront pas seulement à écrire et à déchiffrer une lettre, à lire une enseigne au coin d’une rue, à faire une addition et une multiplication. Ils sont Français et ils doivent connaître la France, sa géographie et son histoire : son corps et son âme. Ils seront citoyens et ils doivent savoir ce qu’est une démocratie libre, quels droits leur confère, quels devoirs leur impose la souveraineté de la nation. Enfin ils seront hommes, et il faut qu’ils aient une idée de l’homme, il faut qu’ils sachent quelle est la racine de toutes nos misères : l’égoïsme aux formes multiples ; quel est le principe de notre grandeur : la fierté unie à la tendresse.

Il faut qu’ils puissent se représenter à grands traits l’espèce humaine domptant peu à peu les brutalités de la nature et les brutalités de l’instinct, et qu’ils démêlent les éléments principaux de cette œuvre extraordinaire qui s’appelle la civilisation. Il faut leur montrer la grandeur de la pensée ; il faut leur enseigner le respect et le culte de l’âme en éveillant en eux le sentiment de l’infini qui est notre joie, et aussi notre force, car c’est par lui que nous triompherons du mal, de l’obscurité et de la mort.

Eh quoi ! Tout cela à des enfants ! — Oui, tout cela, si vous ne voulez pas fabriquer simplement des machines à épeler. Je sais quelles sont les difficultés de la tâche. Vous gardez vos écoliers peu d’années et ils ne sont point toujours assidus, surtout à la campagne. Ils oublient l’été le peu qu’ils ont appris l’hiver. Ils font souvent, au sortir de l’école, des rechutes profondes d’ignorance et de paresse d’esprit, et je plaindrais ceux d’entre vous qui ont pour l’éducation des enfants du peuple une grande ambition, si cette grande ambition ne supposait un grand courage. […]

Sachant bien lire, l’écolier, qui est très curieux, aurait bien vite, avec sept ou huit livres choisis, une idée, très générale, il est vrai, mais très haute de l’histoire de l’espèce humaine, de la structure du monde, de l’histoire propre de la terre dans le monde, du rôle propre de la France dans l’humanité. Le maître doit intervenir pour aider ce premier travail de l’esprit ; il n’est pas nécessaire qu’il dise beaucoup, qu’il fasse de longues leçons ; il suffit que tous les détails qu’il leur donnera concourent nettement à un tableau d’ensemble. De ce que l’on sait de l’homme primitif à l’homme d’aujourd’hui, quelle prodigieuse transformation ! et comme il est aisé à l’instituteur, en quelques traits, de faire sentir à l’enfant l’effort inouï de la pensée humaine ! […]

Je dis donc aux maîtres, pour me résumer : lorsque d’une part vous aurez appris aux enfants à lire à fond, et lorsque d’autre part, en quelques causeries familières et graves, vous leur aurez parlé des grandes choses qui intéressent la pensée et la conscience humaine, vous aurez fait sans peine en quelques années œuvre complète d’éducateurs. Dans chaque intelligence il y aura un sommet, et, ce jour-là, bien des choses changeront. »

Jean Jaurès, La Dépêche, journal de la démocratie du midi, 15 janvier 1888

 

Le 16 octobre 2021 marquera le premier anniversaire de l’assassinat de l’enseignant Samuel Paty.

Au Lycée Charles de Gaulle de Londres, comme dans les autres établissements français, ce vendredi fut l’occasion d’une commémoration recueillie pour rendre hommage au rôle des enseignantes et des enseignants, rappeler les principes de liberté d’enseignement et les valeurs humanistes qui sous-tendent l’éducation à la française.

Étaient présents pour ce moment solennel, Monsieur Guillaume Bazard, Consul Général, Monsieur Stéphane Foin, Conseiller Culturel Adjoint, Monsieur le Proviseur et les Proviseurs adjoints, ainsi que des représentants des personnels enseignants et non-enseignants, des parents et des élèves.

Dans son allocution, M. Devilard, soulignant que la vie de l’établissement continuait comme il se devait dans la cour en toile de fond de cette sobre cérémonie, a rappelé la sidération dans laquelle avait été plongée notre communauté comme le monde de l’éducation l’an dernier. Le Proviseur, le Conseiller Culturel Adjoint et les parents d’élèves ont tous évoqué les principes fondamentaux de notre république et de son enseignement, l’importance de la tolérance et du vivre-ensemble, ainsi qu’une invitation à la vigilance collective contre les idées radicales quelles qu’elles soient.

Avant que l’assistance n’observe une minute de silence et que deux élèves ne déposent une gerbe aux pieds de la photo du professeur, ces mêmes élèves de Seconde ont lu la lettre que Jean Jaurès adressait aux « Instituteurs et Institutrices » en 1888. Cette lettre, qui avait été lue dans les écoles de France l’an dernier, rappelle le rôle fondamental que les enseignantes et les enseignants jouent dans la formation des élèves comme citoyens.


« Vous tenez en vos mains l’intelligence et l’âme des enfants ; vous êtes responsables de la patrie. Les enfants qui vous sont confiés n’auront pas seulement à écrire et à déchiffrer une lettre, à lire une enseigne au coin d’une rue, à faire une addition et une multiplication. Ils sont Français et ils doivent connaître la France, sa géographie et son histoire : son corps et son âme. Ils seront citoyens et ils doivent savoir ce qu’est une démocratie libre, quels droits leur confère, quels devoirs leur impose la souveraineté de la nation. Enfin ils seront hommes, et il faut qu’ils aient une idée de l’homme, il faut qu’ils sachent quelle est la racine de toutes nos misères : l’égoïsme aux formes multiples ; quel est le principe de notre grandeur : la fierté unie à la tendresse.

Il faut qu’ils puissent se représenter à grands traits l’espèce humaine domptant peu à peu les brutalités de la nature et les brutalités de l’instinct, et qu’ils démêlent les éléments principaux de cette œuvre extraordinaire qui s’appelle la civilisation. Il faut leur montrer la grandeur de la pensée ; il faut leur enseigner le respect et le culte de l’âme en éveillant en eux le sentiment de l’infini qui est notre joie, et aussi notre force, car c’est par lui que nous triompherons du mal, de l’obscurité et de la mort.

Eh quoi ! Tout cela à des enfants ! — Oui, tout cela, si vous ne voulez pas fabriquer simplement des machines à épeler. Je sais quelles sont les difficultés de la tâche. Vous gardez vos écoliers peu d’années et ils ne sont point toujours assidus, surtout à la campagne. Ils oublient l’été le peu qu’ils ont appris l’hiver. Ils font souvent, au sortir de l’école, des rechutes profondes d’ignorance et de paresse d’esprit, et je plaindrais ceux d’entre vous qui ont pour l’éducation des enfants du peuple une grande ambition, si cette grande ambition ne supposait un grand courage. […]

Sachant bien lire, l’écolier, qui est très curieux, aurait bien vite, avec sept ou huit livres choisis, une idée, très générale, il est vrai, mais très haute de l’histoire de l’espèce humaine, de la structure du monde, de l’histoire propre de la terre dans le monde, du rôle propre de la France dans l’humanité. Le maître doit intervenir pour aider ce premier travail de l’esprit ; il n’est pas nécessaire qu’il dise beaucoup, qu’il fasse de longues leçons ; il suffit que tous les détails qu’il leur donnera concourent nettement à un tableau d’ensemble. De ce que l’on sait de l’homme primitif à l’homme d’aujourd’hui, quelle prodigieuse transformation ! et comme il est aisé à l’instituteur, en quelques traits, de faire sentir à l’enfant l’effort inouï de la pensée humaine ! […]

Je dis donc aux maîtres, pour me résumer : lorsque d’une part vous aurez appris aux enfants à lire à fond, et lorsque d’autre part, en quelques causeries familières et graves, vous leur aurez parlé des grandes choses qui intéressent la pensée et la conscience humaine, vous aurez fait sans peine en quelques années œuvre complète d’éducateurs. Dans chaque intelligence il y aura un sommet, et, ce jour-là, bien des choses changeront. »

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