Prix de Gaulle - Rencontre avec Dalie Farah

Prix de Gaulle - Rencontre avec Dalie Farah

Deux élèves racontent les rencontres des classes de 2nde avec Dalie Farah, auteure du livre Impasse Verlaine, sélectionné pour le Prix de Gaulle qui sera décerné prochainement.

Arthur M. - En raison du contexte sanitaire particulier de cette année, la rencontre a eu lieu au CDI, en visioconférence. Cependant, Dalie Farah nous a assuré qu’elle serait venue à Londres nous parler personnellement si elle en avait eu l’occasion.

Impasse Verlaine présente une forte dimension autobiographique, surtout au sujet de la mère de l’auteure, ce qui a bien évidemment suscité bon nombre de questions quant à la réaction de cette dernière à la publication du livre ; ce à quoi Mme Farah a répondu que lorsqu’elle lui a lu l'incipit, (sa mère étant analphabète), elle aurait réagi en disant “ah ouais, ça c’est vrai”. Pourtant, l’incipit était totalement inventé. L’auteure a donc réussi à imaginer ce que c'était d’avoir un enfant, ce qui a provoqué en elle une sensation très particulière. Elle nous a également précisé qu’elle avait fait le choix délibéré de ne pas tout raconter, de ne choisir que certains événements, racontés dans un ordre “pas forcément chronologique.”

Après la lecture d’un extrait de son livre (le passage de la boîte de chocolats), les élèves ont abordé le thème de l’inspiration et du syndrome de la page blanche, question à laquelle elle a tout simplement répondu que cela n’existait pas, que si on voulait écrire, il suffisait de s'asseoir, de laisser venir, d’oublier et d’écrire.

Ensuite, nous lui avons demandé si elle avait des enfants, étant donné que son livre est très axé sur la relation parent-enfant. Elle nous a répondu sur un ton humoristique en disant “un bébé, c’est incompétent en tout, c’est nul, ça ne sait rien faire”, et a ensuite ajouté de façon un peu plus sérieuse que l’on n’apprend pas à devenir père ou mère, et que l’on est en stage toute sa vie lorsqu’on prend la décision d’avoir un enfant, et d'être responsable d’une vie humaine...

Dalie Farah a également eu un message très émouvant sur la mort de Joseph Ponthus, auteur qui faisait également partie de notre sélection, car ils partageaient une très forte relation. Elle nous a raconté quelques anecdotes sur leur amitié. Le livre de Joseph Ponthus, À la ligne, aura quand même une chance de gagner, et concourra comme les autres ouvrages de la sélection, même si nous n’aurons pas la chance de décerner le prix à son auteur directement.

2

Elodie C. retranscrit fidèlement la séance de questions-réponses (en italique, les mots de l'auteure) -

Comment avez-vous choisi les passages autobiographiques, ceux que vous vouliez raconter et ceux que vous ne vouliez pas ?

La partie Algérie est une partie reconstituée ; Dalie Farah a essayé de recomposer à partir des éléments qu’elle avait. Pour la partie qui concerne la narratrice, elle a fait le choix de ne pas tout raconter, mais d’essayer de composer le lien entre la mère et la fille. De prendre des éléments, des souvenirs, des scènes qui permettaient d’éclairer ce lien. Le roman a donc été écrit à partir de scènes, ce n’est pas parfaitement chronologique. Il a fallu faire des choix par exemple pour les scènes de violences : elle en a raconté certaines, pas toutes. Ce n’est pas elle qui a choisi, c’est le livre qui lui a dicté ce qui était bon pour lui. Et, comme elle dit, "c’est ça qui est magnifique dans l’acte d’écrire, c’est une sorte d’abandon et d’obéissance à l’écriture elle-même".

Pourquoi n’avez-vous pas beaucoup parlé de votre père ?

Tout d’abord, le père n’était pas souvent présent, car il travaillait ; la narratrice voyait donc peu son père. Mais c’est également parce qu’elle a eu plus de mal à raconter l’histoire avec son père, c’était plus difficile. Elle en parle moins aussi car ce n’est pas le sujet : ce qu’elle a écrit, c’est la relation mère-fille et tout ce qui sortait de ce lien, elle ne l’a pas raconté, elle a dû enlever plein d’épisodes. Il ne pouvait pas occuper plus de place dans ce livre, mais il est quand même intervenu car premièrement Dalie Farah avait voulu raconter que lui aussi était associé à la violence, notamment la violence scolaire (l’épisode avec la maitresse), mais aussi pour montrer que la violence était partout, ce n’était pas seulement la mère, c’était les deux. Le père était d’une violence moins « tordue », moins perverse parfois, mais c’était une violence massive, une violence assez terrible qui pouvait complètement bouleverser la petite fille.

Est-ce que vous avez rencontré des difficultés ou des obstacles en écrivant votre livre ?

Dalie Farah a une écriture assez fluide, l’écriture chez elle était toute naturelle, c’est comme une sorte de respiration et les livres lui viennent davantage qu’elle ne les cherche. Ce qui fait qu’elle n’a pas réellement de difficultés, puisque ce sont les livres qui viennent à elle. Elle a passé plus de temps dans sa vie à essayer d’arrêter d’écrire, de s’empêcher d’écrire plutôt que l’inverse. Cette « grâce merveilleuse » que la littérature vienne à elle, c’est comme-ci elle avait gagné son système immunitaire dans son enfance. Son échappatoire, sa « seule porte de secours », c’est les livres. Écrire ou lire on ne l'y force pas, elle le fait en douce, elle le fait en cachette, elle le fait dès qu’elle peut. La littérature n’est pas un obstacle, c’est une chose magnifique. Elle écrit comme elle a lu. « Si j’arrive à faire vivre ce que moi j’ai vécu en lisant, je suis multimillionnaire ».

Que diriez-vous à un enfant qui n’arrive pas à écrire, qui a le syndrome de la page blanche par exemple ?

Selon elle, ça ne peut pas exister. Si par exemple quelqu’un a un désir d’écriture, il s’assoit, il écrit, il oublie tout le reste. Par contre ce qui peut arriver c’est que cette personne se mette la pression (pression sociale, pression de faire mieux que d’autres.) Mais cela n’a rien à voir avec l’écriture ou la littérature, ce sont des questions extérieures. L’écriture, la lecture n’a pas le droit au jugement. Il n’y a pas de pages blanches, sauf si on se met en obligation de, mais si on se met en obligation de, ce n’est pas un vrai désir et dans ce cas-là, ça ne peut pas marcher. Un désir d’écriture c’est quelque chose de vivant, de palpitant, il faut laisser venir. Si vous avez envie d’écrire, si vous voulez écrire, il faut laisser venir et ça vient.

D’après vous, est-ce qu’on est écrivain ou est-ce qu’on le devient ?

Dalie Farah a une écriture naturelle. Elle est écrivaine depuis qu’elle a 10 ans, le fait d’écrire fait un écrivain. Mais c’est la reconnaissance sociale qui donne le statut social de l’écrivain.

Dalie Farah

Illustration Hector F.V

Deux élèves racontent les rencontres des classes de 2nde avec Dalie Farah, auteure du livre Impasse Verlaine, sélectionné pour le Prix de Gaulle qui sera décerné prochainement.

Arthur M. - En raison du contexte sanitaire particulier de cette année, la rencontre a eu lieu au CDI, en visioconférence. Cependant, Dalie Farah nous a assuré qu’elle serait venue à Londres nous parler personnellement si elle en avait eu l’occasion.

Impasse Verlaine présente une forte dimension autobiographique, surtout au sujet de la mère de l’auteure, ce qui a bien évidemment suscité bon nombre de questions quant à la réaction de cette dernière à la publication du livre ; ce à quoi Mme Farah a répondu que lorsqu’elle lui a lu l'incipit, (sa mère étant analphabète), elle aurait réagi en disant “ah ouais, ça c’est vrai”. Pourtant, l’incipit était totalement inventé. L’auteure a donc réussi à imaginer ce que c'était d’avoir un enfant, ce qui a provoqué en elle une sensation très particulière. Elle nous a également précisé qu’elle avait fait le choix délibéré de ne pas tout raconter, de ne choisir que certains événements, racontés dans un ordre “pas forcément chronologique.”

Après la lecture d’un extrait de son livre (le passage de la boîte de chocolats), les élèves ont abordé le thème de l’inspiration et du syndrome de la page blanche, question à laquelle elle a tout simplement répondu que cela n’existait pas, que si on voulait écrire, il suffisait de s'asseoir, de laisser venir, d’oublier et d’écrire.

Ensuite, nous lui avons demandé si elle avait des enfants, étant donné que son livre est très axé sur la relation parent-enfant. Elle nous a répondu sur un ton humoristique en disant “un bébé, c’est incompétent en tout, c’est nul, ça ne sait rien faire”, et a ensuite ajouté de façon un peu plus sérieuse que l’on n’apprend pas à devenir père ou mère, et que l’on est en stage toute sa vie lorsqu’on prend la décision d’avoir un enfant, et d'être responsable d’une vie humaine...

Dalie Farah a également eu un message très émouvant sur la mort de Joseph Ponthus, auteur qui faisait également partie de notre sélection, car ils partageaient une très forte relation. Elle nous a raconté quelques anecdotes sur leur amitié. Le livre de Joseph Ponthus, À la ligne, aura quand même une chance de gagner, et concourra comme les autres ouvrages de la sélection, même si nous n’aurons pas la chance de décerner le prix à son auteur directement.

2

Elodie C. retranscrit fidèlement la séance de questions-réponses (en italique, les mots de l'auteure) -

Comment avez-vous choisi les passages autobiographiques, ceux que vous vouliez raconter et ceux que vous ne vouliez pas ?

La partie Algérie est une partie reconstituée ; Dalie Farah a essayé de recomposer à partir des éléments qu’elle avait. Pour la partie qui concerne la narratrice, elle a fait le choix de ne pas tout raconter, mais d’essayer de composer le lien entre la mère et la fille. De prendre des éléments, des souvenirs, des scènes qui permettaient d’éclairer ce lien. Le roman a donc été écrit à partir de scènes, ce n’est pas parfaitement chronologique. Il a fallu faire des choix par exemple pour les scènes de violences : elle en a raconté certaines, pas toutes. Ce n’est pas elle qui a choisi, c’est le livre qui lui a dicté ce qui était bon pour lui. Et, comme elle dit, "c’est ça qui est magnifique dans l’acte d’écrire, c’est une sorte d’abandon et d’obéissance à l’écriture elle-même".

Pourquoi n’avez-vous pas beaucoup parlé de votre père ?

Tout d’abord, le père n’était pas souvent présent, car il travaillait ; la narratrice voyait donc peu son père. Mais c’est également parce qu’elle a eu plus de mal à raconter l’histoire avec son père, c’était plus difficile. Elle en parle moins aussi car ce n’est pas le sujet : ce qu’elle a écrit, c’est la relation mère-fille et tout ce qui sortait de ce lien, elle ne l’a pas raconté, elle a dû enlever plein d’épisodes. Il ne pouvait pas occuper plus de place dans ce livre, mais il est quand même intervenu car premièrement Dalie Farah avait voulu raconter que lui aussi était associé à la violence, notamment la violence scolaire (l’épisode avec la maitresse), mais aussi pour montrer que la violence était partout, ce n’était pas seulement la mère, c’était les deux. Le père était d’une violence moins « tordue », moins perverse parfois, mais c’était une violence massive, une violence assez terrible qui pouvait complètement bouleverser la petite fille.

Est-ce que vous avez rencontré des difficultés ou des obstacles en écrivant votre livre ?

Dalie Farah a une écriture assez fluide, l’écriture chez elle était toute naturelle, c’est comme une sorte de respiration et les livres lui viennent davantage qu’elle ne les cherche. Ce qui fait qu’elle n’a pas réellement de difficultés, puisque ce sont les livres qui viennent à elle. Elle a passé plus de temps dans sa vie à essayer d’arrêter d’écrire, de s’empêcher d’écrire plutôt que l’inverse. Cette « grâce merveilleuse » que la littérature vienne à elle, c’est comme-ci elle avait gagné son système immunitaire dans son enfance. Son échappatoire, sa « seule porte de secours », c’est les livres. Écrire ou lire on ne l'y force pas, elle le fait en douce, elle le fait en cachette, elle le fait dès qu’elle peut. La littérature n’est pas un obstacle, c’est une chose magnifique. Elle écrit comme elle a lu. « Si j’arrive à faire vivre ce que moi j’ai vécu en lisant, je suis multimillionnaire ».

Que diriez-vous à un enfant qui n’arrive pas à écrire, qui a le syndrome de la page blanche par exemple ?

Selon elle, ça ne peut pas exister. Si par exemple quelqu’un a un désir d’écriture, il s’assoit, il écrit, il oublie tout le reste. Par contre ce qui peut arriver c’est que cette personne se mette la pression (pression sociale, pression de faire mieux que d’autres.) Mais cela n’a rien à voir avec l’écriture ou la littérature, ce sont des questions extérieures. L’écriture, la lecture n’a pas le droit au jugement. Il n’y a pas de pages blanches, sauf si on se met en obligation de, mais si on se met en obligation de, ce n’est pas un vrai désir et dans ce cas-là, ça ne peut pas marcher. Un désir d’écriture c’est quelque chose de vivant, de palpitant, il faut laisser venir. Si vous avez envie d’écrire, si vous voulez écrire, il faut laisser venir et ça vient.

D’après vous, est-ce qu’on est écrivain ou est-ce qu’on le devient ?

Dalie Farah a une écriture naturelle. Elle est écrivaine depuis qu’elle a 10 ans, le fait d’écrire fait un écrivain. Mais c’est la reconnaissance sociale qui donne le statut social de l’écrivain.

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